Parce que l'envie d'écrire est supérieure à tout le reste. Grenade.

La clarté de la lune se faisait de moins en moins dense. Les nuages s’en rapprochaient pour la cacher, faisant peu à peu disparaître par la même occasion l’ombre d’une masse courant dans les rues désertes de la ville. L’individu, dans le noir, réapparut sous un réverbère et l’on put découvrir un visage en sueur et en sang. Il fallut cependant un peu plus de temps pour découvrir l’apparence de cette personne après qu’elle se fût essuyée le visage d’un revers de la manche. La jeune fille s’appuya dos au mur pour s’y laisser glisser jusqu’à gésir sur le sol. Faisant aller un long soupir suffoquant, elle laissa voir qu’elle avait longuement pleuré. Sans doute n’avait-elle aucune crainte de se trouver seule dans un tel endroit en pleine nuit, ou venait-elle de vivre quelque chose de bien pire que ce qui aurait pu lui arriver à cet instant. La lune réapparut de derrière les nuages noirs et continua son rôle d’éclairage en cette sombre nuit d’hiver.

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- Fais ta valise, on s’en va.

Anéa s’exécuta sans broncher. De toute manière, elle n’a jamais aimé cette maison, ce quartier, cette ville. Mais aimait-elle quelque chose… ? La jeune fille fit glisser ses longs cheveux blonds ondulés le long de son dos après avoir retiré l'élastique et jeta un bref regard à son miroir. Comme toujours, le reflet qu’elle aperçut n’était pas le sien. Le même visage et le même corps avec les mêmes vêtements, mais pas la même personne. Celui-ci regardait la jeune fille avec ce qui semblait être de l’indifférence. Depuis longtemps il s’était habitué à sa situation.

- Nous partons, le mit au courant inutilement Anéa avec la même indifférence.

Cette dernière retourna le miroir du côté du mur et regarda une dernière fois la pièce dans laquelle elle avait vécu jusqu’à présent. Minuscule, elle n’était pourvue, avec le miroir, que d’un petit lit et d’une garde-robe qui, depuis son arrivée, restait vide. Le papier peint était d’un triste blanc et aucune décoration n’embellissait tout ce qui se trouvait dans la chambre. On aurait pu croire que ce n’était qu’une chambre d’hôpital. Anéa prit le tas de vêtements se trouvant sur le lit pour le fourrer dans son sac qui lui servait de valise. Elle n’avait rien d’autre à prendre.

Depuis plusieurs mois, celle qui lui servait de mère, Zina, prévoyait de déménager. Les voisins commençaient à avoir des soupçons sur cette petite famille qui refusait de sortir en plein jour et d’ouvrir la porte à quiconque souhaitait entrer. S’ils ne les avaient jamais vues débarquer dans cette maison, ils ne se seraient jamais doutés que quelqu’un pouvait y habiter. Seule la nuit pouvait apercevoir cette femme et cette jeune fille sortir discrètement, mais pourquoi faire ? Anéa prit cependant son temps pour descendre rejoindre Zina dans la cuisine, son sac à la main. C’était probablement la pièce dans laquelle elles passaient le moins de temps. Elle leur servait surtout de pièce de rares et importantes conversations. Tout ce qui s’y trouvait était nickel, puisqu’elles ne s’en servaient jamais. Seule la table laissait une trace de sang à moitié nettoyée, résultat d’un délicieux repas d’hier soir de Zina.

- Je nettoierai plus tard, répondit la mère au regard de celle qui lui servait de fille. Assieds-toi.

Anéa obéit et prit place sur un tabouret de l’autre côté de la table, le plus éloigné de sa mère, son sac sur les genoux. Elle se tenait bien droite pour montrer sa fierté inexistante et regardait la jeune femme dans les yeux pour y chercher de nouveau cet éclat qui n’existerait plus jamais. Les yeux de cette femme étaient sombres et vides, comme les siens.
Zina prit une profonde inspiration. Elle avait l’air fatigué, ce qui ne lui arrivait jamais.

- Les voisins nous soupçonnent.

- C’est nouveau ! ironisa sa fille.

Zina ignora la remarque et poursuivit :

- Je me suis trompée de victime hier soir. Elle était la fille des Hopkins.

- C’est tout toi, ça. Trop vieille pour faire la différence entre une promeneuse étrangère et une voisine de longue date.

- Nous partons à Paris.

Elle n’était qu’à quelques mètres seulement de la porte. Le panneau « Exit » clignait encore mais faiblement, s’usant jusqu’au bout dans la pénombre. Il était la seule source de lumière dans la grande salle de fêtes où, à partir de ce jour, ne se célèbrerait que la mort. La jeune fille rampa jusqu’à la sortie malgré son bras et ses jambes qui la lançaient. A ses côtés, quelques corps émirent un dernier mouvement dans sa direction avant de sombrer. Elle n’eut pas le temps de continuer sa fuite qu’un puissant coup sur le dos la cloua sur place, si puissant qu’il lui brisa quelques os au passage. La victime cria de douleur jusqu’à épuisement. Lorsqu’elle se tut, une autre douleur intense se fit au niveau de sa gorge après que le meurtrier l’ait retournée. Agitant désespérément les bras à la recherche d’une quelconque aide inexistante, elle finit par s’immobiliser. La vie l’avait quittée. A ce moment précis, le panneau de sortie cessa de clignoter, ayant usé toute son énergie.

Ever coupa la télévision, soupirant d’effroi face aux images sanglantes que cette dernière projetait. Les histoires de vampires étaient sans aucun doute ses préférées, mais, comme un peu toutes les filles de son âge, elle n’appréciait que l’idée des romantiques et beaux vampires mystérieux. Après tout, s’ils existaient bel et bien, on aurait eu des preuves depuis bien longtemps. La jeune fille se leva de son lit pour aller fermer la porte de sa chambre et y retourner pour s’en aller dormir d’un sommeil profond. Elle éteignit sa lampe de chevet et, ne supportant pas la pénombre de sa chambre, ferma instantanément les yeux. Curieuse idée, puisque cette action n’allait pas lui apporter plus de lumière.
Il commença doucement à pleuvoir, les gouttes de pluie de plus en plus nombreuses firent fondre en un rien de temps la neige blanche et brillante délicatement tombée la veille. Quelques branches fouettèrent la vitre de la chambre d’Ever mais cette dernière était déjà endormie pour pouvoir les entendre.
Une ombre passa prestement devant la fenêtre pour y revenir l’instant d’après. Elle s’arrêta net, n’exécutant plus aucun mouvement. Un long moment passa et l’individu ne bougeait toujours pas. Soudain, la fenêtre s’ouvrit d’elle-même d’une
manière à n’émettre aucun son qui puisse trahir la présence de ce quelqu’un ou quelque chose. Même la pluie cessa, ne s’autorisant qu’à laisser tomber encore quelques gouttes sur la ville à présent fort humide pour balayer toute trace de neige restante.
L’étranger pénétra dans la pièce, toujours sans aucun bruit. Il jeta un regard sur la masse allongée sur le lit qui n’était autre que le corps couvert de plusieurs couches de couverture de la fillette. Un long souffle se répandit dans la chambre, à la fois doux et terrifiant. Quelque chose, à cet instant, changea l’atmosphère accueillante de la chambre en un endroit de mort certaine,
prévue à l’avance...
Ever se leva subitement. Parcourant des yeux sa chambre, elle ne vit aucun changement. Et, pourtant, une peur sortie de nulle part hanta la jeune fille toute la nuit.